De l’espoir pour le Honduras

Xiomara Castro a remporté les élections présidentielles au Honduras. Bien que sa victoire donne de l’espoir au peuple hondurien, Castro devra répondre à d’importantes attentes.

Dans la lutte présidentielle au Honduras, il semble que Xiomara Castro de l’opposition de gauche évolue vers une victoire. Sur la base des résultats provisoires – 40% des votes ont été comptés – elle obtient largement 53% des voix et de ce fait, elle a 20% d’avance sur son adversaire. Le taux de participation a également été extrêmement élevé. C'est un soulagement pour le pays, qui craignait une répétition de 2017. A l’époque, le résultat avait été très serré et le parti au gouvernement avait remporté la victoire, vraisemblablement grâce à la fraude.

Ce sont aussi de bonnes nouvelles pour le Honduras progressiste et de gauche, qui, plus de dix ans après le coup d'État de 2009 contre Mel Zelaya, le mari de Xiomara, et la réélection inconstitutionnelle - et frauduleuse - du narco-président Juan Orlando Hernández (JOH) en 2017, reprend enfin le pouvoir dans le pays.

Une narcodictature corrompue

Les Honduriens ont connu des années très dures. Au niveau politique, il y avait sans cesse des scandales de corruption. Même pendant l’épidémie du coronavirus, les hommes politiques du Partido Nacional au pouvoir ont voulu s’enrichir. Il y avait de la fraude lors de l’achat de matériel médical et de médicaments, mais surtout l’acquisition de 7 hôpitaux d’urgence mobiles a mené à une grande colère et indignation. Non seulement on estime la fraude à 32 millions de dollars, mais en plus les hôpitaux sont arrivés avec un retard de plusieurs mois et ils ont connu beaucoup de problèmes au début.

Auparavant, le frère du président - un ancien parlementaire du Partido Nacional - avait été arrêté aux États-Unis, soupçonné de trafic de tonnes de cocaïne. Juan Orlando lui-même est également cité dans l'enquête. La campagne électorale de 2017 aurait été financée avec l'argent de la drogue. Et qui sait, la subornation des magistrats du tribunal électoral. Le Honduras était autrefois décrit en plaisantant comme une république bananière. Juan Orlando a réussi à dégrader encore plus le pays en un narco-État.

Les mouvements sociaux et les activistes des droits de l’homme ont connu également des périodes difficiles sous le règne de JOH. Les activistes environnementaux, en particulier, ont été menacés et criminalisés. Le meurtre de Berta Cáceres en 2016 a constitué un triste moment creux. Alors que les activistes ont été victime d’attaques ciblées, la population générale a été victime de violentes maraudes. Ces gangs extrêmement violents contrôlent les quartiers périphériques de toutes les grandes villes et y extorquent la population. Celui qui ne paie pas, disparaît ou est retrouvé mort.

Ce malaise général a mené à plusieurs caravanes de migrants pour un total de dizaines de milliers de Honduriens qui se dirigent vers le nord. Les Honduriens en ont assez.

Des défis considérables

A l’heure actuelle, les résultats des élections parlementaires ne sont pas encore connus. Or, s’ils suivent l’évolution des élections présidentielles, Libre pourrait remporter une majorité absolue au sein du parlement, même si c’est tout juste. La pression de la société civile demeurera donc très importante. Or, peut-être cette prise de conscience auprès des mouvements sociaux est une bonne chose. Il n’y a pas de triomphalisme et contrairement à d’autres pays de la région où les partis de gauche ont pris le pouvoir, les attentes ne sont pas exagérées. Xiomara Castro n’aura pas de carte blanche et elle devra rendre des comptes, si elle veut maintenir le soutien de sa base.

Deux dossiers constitueront un premier cas d'essai. Xiomara a promis d'abolir immédiatement les ZEDE si elle devenait présidente. Les ZEDE sont une version extrême des zones de libre-échange où le propriétaire peut même écrire ses propres lois et où la police est remplacée par des gardes privés. Elle doit maintenant montrer qu'elle tiendra sa parole. En outre, au sein du CES - l'homologue hondurien du Groupe des 10 - une proposition de nouvelle loi sur la santé est prête. Elle a été proposée par des syndicats, des organisations de santé et des mouvements de femmes. Il faut espérer que Xiomara fera preuve de respect pour le dialogue social et qu'elle et son gouvernement soutiendront cette proposition largement soutenue, qui devrait apporter une réponse à la profonde crise sanitaire que connaît le pays.

Xiomara Castro est confrontée à un défi compliqué. Le pays se trouve en difficultés à plusieurs niveaux et elle doit le tirer du pétrin. Dans son discours de victoire, elle promet une nouvelle époque pour le Honduras, où la démocratie, la justice, l’égalité et la liberté joueront un rôle central. Personne ne s’attend à des miracles, mais les mouvements sociaux veilleront à ce que ces belles paroles soient traduites en actions.

 

Auteur: Jasper Rommel (FOS)