José Borrego sur la grève à AB InBev : « Limiter le droit de grève, c’est limiter notre droit de se faire entendre »

En septembre 2020 AB InBev, le numéro un brassicole mondial, a failli à son devoir de protéger la santé de ses travailleurs. En effet, un cluster de coronavirus a envahi le département logistique du site de Jupille. Après de nombreuses interpellations et un manque de réactivité de la part de la direction, les travailleurs ont décidé de partir en grève ; un arrêt qui a duré pas moins de 2 semaines. Interview de José Borrego, délégué principal de la FGTB Horval qui, malgré les intimidations du géant de la bière, continue son combat pour le respect des droits des travailleurs.

Quels sont les événements qui vous ont poussé à faire grève ?

L’insécurité pour les travailleurs. Par rapport au corona, peu de choses étaient mises en place. L’événement qui a déclenché la grève, c’est le cluster. Il y avait 2 personnes contaminées au début, puis 11, dont un collègue dans le coma. On les avait prévenus qu’il fallait réagir, ils n’ont rien fait. Nous avons dès lors décidé de partir en grève…

Comment la grève s’est-elle déroulée ?

Le 3 septembre dans l’après-midi, nous sommes descendus sur le site pour informer les travailleurs de la situation, car la direction a voulu cacher ce qu’il se passait. Nous avons arrêté le travail pendant deux semaines. La direction ne nous a jamais rappelés. Les deux réunions de négociation ont eu lieu à Bruxelles. Quel mépris envers les travailleurs !

Avez-vous été victimes d’intimidations de la part d’AB InBev ?

AB InBev a fait appel à des huissiers de justice ; ils suivaient les délégués partout, notamment quand ils informaient les travailleurs. Le directeur leur demandait même de prendre des photos. Par la suite, les travailleurs ont reçu des astreintes de 2-3.000 euros. Moi j’ai eu 11.000 euros à payer dans les 24h... La direction a également mis la pression sur les travailleurs sous contrats précaires. Elle leur envoyait des messages via leur numéro privé en les menaçant de ne pas  reconduire leur contrat s’ils faisaient grève ou en prétendant que le piquet était levé, alors que ce n’était pas vrai.

Quelle a été la suite ?

Fin janvier, j’ai reçu une convocation de la police.  Le directeur et la directrice RH ont porté plainte contre moi pour diffamation, calomnie et menaces. Ma tête est mise à prix. Pourquoi moi ? Parce que je suis le délégué principal et que je n’ai pas eu peur de m’exprimer dans les médias. C’est de l’intimidation, mais je ne me laisserai pas faire. Je me demande juste jusqu’où ils vont aller...

Ces dernières années, à plusieurs reprises, le droit de grève a été limité en Belgique. Pourquoi ce droit doit-il aujourd’hui plus que jamais être protégé ?

Aujourd’hui on se bat pour conserver les acquis. La grève est l’outil de lutte ultime ; celui que l’on utilise une fois que tous les autres moyens sont épuisés. Limiter le droit de grève, c’est limiter notre droit de se faire entendre. Ici, la seule chose que l’on demandait, c’était que l’on puisse aller travailler en toute sécurité. Nous n’avions pas été entendus, alors nous avons entamé une grève. Et ce n’est que quand la grève a débuté que les choses ont commencé à bouger. Pourquoi ? Parce que leurs intérêts étaient en danger. L’arrêt de la production pouvait engendrer une perte d’argent. Il est temps de faire prévaloir les droits des travailleurs aux intérêts économiques des entreprises !

Copyright photo : Ali Selvi-Krasnyi