Changement de génération au sein de la révolution cubaine

Miguel Díaz-Canel Bermudez a récemment été élu premier secrétaire du Parti communiste cubain. Il succède à Raúl Castro, qui renoncera à la politique cubaine. Pourtant, Miguel Díaz-Canel sera confronté à de grands défis, dont le blocage par les Etats-Unis. Cet article donne une meilleure idée de la situation actuelle à Cuba.

Nouveau tournant

Le dimanche 18 avril, le président actuel de Cuba Miguel Díaz-Canel Bermudez a été élu premier secrétaire du comité central du parti communiste cubain. De ce fait, Raúl Castro quitte l’arène politique publique. Une décision qu’il a annoncée il y a cinq ans déjà. Ainsi, il respecte la règle qu’il avait créée lui-même, à savoir que les cadres ne peuvent pas occuper une fonction pendant plus de 10 ans. A part la carrière de Raúl, celle des trois derniers personnages historiques de la révolution dans le bureau politique du parti a pris fin. Actuellement, le sommet du parti se compose exclusivement de membres qui n’ont pas participé à la lutte contre la dictature de Batista.

Le choix de Miguel Díaz-Canel n’est pas du tout une surprise. Après que Fidel Castro ait commencé à avoir de graves problèmes de santé vers 2005, on a cherché des personnalités plus jeunes pour reprendre le flambeau du groupe de "comandantes" de plus en plus réduit. En 2009, la situation s’est mal tournée avec les deux dirigeants principaux de la nouvelle génération. Leur comportement peu respectueux à l’égard de l’ancienne garde et leur attitude extravertie n’ont pas été appréciés. Ils ont aussitôt été écartés. Le nouveau candidat aurait un autre profil. Un grand abatteur loyal de besogne, issu d’une famille modale, sans liens avec les dirigeants historiques et  un médiateur entre les différentes tendances au sein du parti. Un exemple de méritocratie, ce que la révolution représente.

Nouvelle dynamique

Miguel Díaz-Canel a commencé sa carrière au sein du parti, à l’âge minimal de 35 ans pour devenir membre, en tant que secrétaire général dans deux provinces. Ensuite, en 2009, il a été promu Ministre de l’Enseignement Supérieur. A peine 3 ans plus tard, il était le vice-président du Conseil des Ministres, et l’année suivante, il a assumé la vice-présidence sous Raúl Castro. En 2018, il est devenu le chef d’Etat de la République en tant que président, aux côtés du Premier ministre. Une fonction à nouveau créée après presque 55 ans. Cette dualité s'inscrit dans la vision selon laquelle le parti doit principalement assumer un rôle politique et doit être moins impliqué dans les tâches exécutives. Il est donc logique que la présidence du parti appartienne au président.

Lors de son discours final, il a parlé de sa vision sur le fonctionnement du parti et quelques points névralgiques actuels. Au sein du parti, l’unité et la continuité demeurent le leitmotiv. Une nouvelle dynamique, axée sur une meilleure communication avec la population et dans laquelle les membres du parti assument un rôle d’exemple, est une nécessité. Les organisations de masse FMC (Mouvement national des femmes de Cuba) et CTC (la Coupole syndicale nationale de Cuba) sont des canaux idéaux pour y contribuer. C’est également la meilleure manière à contrer des attaques, via les réseaux sociaux, sur Cuba.

Ces attaques ne sont pas dissociées du blocage économique financier agressif et permanent par les Etats-Unis. À part la récession mondiale, les efforts pour maîtriser la pandémie du coronavirus et les problèmes internes, le blocage est la cause de la situation économique compliquée du pays. Les problèmes internes sont liés à l’inefficacité des entreprises étatiques et du secteur public, à l’excès de dépenses, au manque de contrôle sur les moyens et les problèmes structurels. Pourtant, l’économie cubaine s’est montrée résiliente pour maintenir les acquis sociaux. Le monde a vu comment la volonté politique et la vocation humaniste de la révolution, en combinaison avec une politique gouvernementale qui donne la primauté à l’homme, sont capables d’attaquer avec succès la pandémie du covid-19. La tâche consistait à sensibiliser la population et à soutenir la réalisation de la stratégie de prévention, également confiée aux deux organisations de masse, en coopération et selon les directives du Centre de Promotion de la Santé et de la Prévention des Maladies (UPP) du Ministère de la Santé Publique.

Selon le nouveau chef du parti, les thèmes à aborder prioritairement sont entre autres la sécurité et la souveraineté alimentaires, l’utilisation de sources d’énergie renouvelable, l’efficacité du processus d’investissement, le renforcement de la production nationale afin de répondre à la demande intérieure et l’amélioration qualitative de la prestation de services à la population. Le rôle de la CTC et de ses syndicats sectoriels affiliés est crucial pour expliquer les réformes aux travailleurs par l'intermédiaire des cadres et des délégués syndicaux, d'une part, afin que les travailleurs puissent les soutenir et, d'autre part, pour sauvegarder leurs droits dans les nouveaux contextes de travail.

Davantage de flexibilité et assouplissement du blocage

Miguel Díaz-Canel assure la continuité du caractère socialiste de la révolution. C’est un défi énorme dans le contexte actuel. Il peut compter sur le soutien du parti pour relancer l’économie du pays. Pour les besoins de la cause, il fera évoluer le modèle économique vers davantage de flexibilité pour les entreprises étatiques et l’admission de petites et de moyennes entreprises privées. L’abolition ou au moins l’assouplissement du blocage américain serait un soutien bienvenu.

 

Auteur : Yves Van Gijsel